Le 10 mars dernier, les euro-députés ont adopté, à une large majorité, une position commune sur un devoir de vigilance des multinationales à l’échelle européenne. Un texte qui s’inspire de notre législation française et qui rendrait les grandes entreprises – mais aussi les entreprises étrangères opérant en Europe et les PME cotées en bourse – juridiquement responsables des violations des droits de l’homme et des dommages à l’environnement commis dans leur chaîne de valeur. Une avancée réglementaire dont on peut se réjouir, alors que l’économie mondiale est marquée par les délocalisations et le dumping social et environnemental qui va avec. Mais en attendant le projet de législation européen d’ici l’été, réfléchissons à la réelle portée de ce texte.

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Sommes-nous une “regtech” ?

Une façon d’appréhender le futur devoir de vigilance européen serait de le considérer comme un nouvel outil de compliance basé sur une gestion des risques ESG a minima. C’est bien l’écueil des normes internationales, à l’instar de celles de l’OIT, qui s’accordent sur le plus petit dénominateur commun, nous conduisant souvent vers une homogénéisation des pratiques par le bas. Une approche automatique ou “tick the box” qui sous-tend les méthodologies de certaines agences de notation extra-financières et startups fleurissant actuellement sur le marché pour adresser les mouvements de régulations et d’homogénéisation de la RSE. Des outils qui peuvent conduire à des classements réducteurs car basés sur du “one size fits all”, prétendant pouvoir noter ou comparer tous les secteurs et tous les contextes à l’aune d’une même baguette magique. Des notations par ailleurs peu transparentes et qui divergent selon les agences, chacune ayant sa propre définition et mesure de la performance ESG, comme l’explique cette étude du MIT.

Dans ce contexte de régulation croissante de la RSE, serions-nous condamnés, chez Sirsa, à accompagner nos clients en étant une simple “regtech“* ? Oui, en partie, puisque nos clients suivent la performance de toujours plus de sujets sous-tendus par la réglementation, du bilan carbone au bilan social, de la conformité QHSE à la loi Sapin II, sur notre plateforme Reporting 21.

Allier conformité et supplément d’âme stratégique

Mais en partie seulement, car chez Sirsa, nous sommes convaincus que la réglementation peut être une réelle opportunité de progrès si elle laisse de la latitude aux acteurs privés. La loi Pacte en est un formidable exemple : elle met les entreprises en tension de manière positive car adaptée, en leur laissant le soin de définir leur raison d’être et leurs objectifs. De manière identique, sur l’analyse de la chaîne de valeur, pourquoi ne pas faire confiance aux entreprises pour sortir de l’approche risques et faire progresser leurs filières sur les enjeux RSE ? Cela peut être source de complexité et nécessite de mieux connaître ses tiers. C’est la raison pour laquelle nous avons développé, en partenariat avec Ellisphère, une nouvelle offre d’évaluation RSE des tiers à destination des entreprises.

Une offre qui répond à la diversité des métiers au sein d’un même secteur, car comment pourrait-on penser que dans le secteur de la mobilité, par exemple, les enjeux sont les mêmes pour un sous-traitant automobile et pour un dépanneur ? Une offre adaptée à la taille des entreprises et aux contextes culturels et géographiques puisqu’on ne peut pas comparer une entreprise française et une entreprise chinoise avec le même référentiel. En résumé, une offre adaptée, accessible et transparente pour coller à la réalité d’une chaîne de valeur. Et donner ainsi aux entreprises, qui en ont l’expertise, la possibilité de l’appréhender dans toute sa richesse et diversité au lieu de l’assécher en appliquant a minima la régulation.

Yannick Grandjean

 


* Regtech pour « Regulation technology company » à l’instar des « fintech » dans l’univers financier.