2021 démarre avec beaucoup d’incertitudes, entre l’espoir timide d’une sortie de crise sanitaire et une soif de renaissance économique et sociale. Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c’est que 2021 sera l’année de la finance durable européenne. Les prochains mois marqueront l’entrée en vigueur de textes clés du paquet législatif européen et verront se décider – rapidement, espérons-le – les derniers arbitrages sur la taxonomie verte, alors que la nouvelle Plateforme sur la finance durable définit les contours d’une stratégie européenne qui se veut « renouvelée ».

Ce début d’année est donc un moment propice pour se poser une question essentielle à nos yeux : quelle vision de l’ESG souhaitons-nous avoir en Europe – et en France – pour modeler cette finance durable ? L’enjeu de souveraineté idéologique des textes est fort. Prenons, par exemple, le règlement Disclosure : le travail européen a abouti sur un texte qui définit des obligations de transparence principalement basées sur les risques ESG, dans une philosophie très anglo-saxonne, loin de notre vision française humaniste, incarnée par notre Article 173 qui cherche, au-delà des risques, à rendre compte de la contribution des investisseurs à la lutte contre le changement climatique.

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La hard-law européenne face à l’attrait du soft power américain

Cette question dépasse les frontières européennes et se pose au niveau international. Notre cadre législatif européen issu d’une approche top-down chère au vieux continent risque de se faire emporter par la marée américaine qui a déjà déferlé et est basée, elle, sur le soft power. Pour appréhender cette tension entre législation européenne et initiatives de marché américaines, il suffit de regarder le succès du standard SASB (Sustainability Accounting Oversight Board), qui s’impose de lui-même sur les marchés car il est le fruit d’une collaboration entre ses propres utilisateurs et prescripteurs.

La montée en puissance des B Corp en France en est un autre exemple. Une initiative bien sûr positive mais qui reflète une vision très américaine de l’entreprise contributive. Grâce à la loi Pacte, les entreprises françaises ont désormais le choix et peuvent opter pour la possibilité – certes plus risquée – de se transformer en entreprise à mission. 100 entreprises ont adopté ce nouveau statut, quelle bonne nouvelle ! Espérons que d’autres les rejoindront.

Et le social ?

En 2021, mobilisons-nous aussi et usons de notre influence pour que la finance durable européenne ne soit pas uniquement verte. La taxonomie ne prévoit que le respect de minima sociaux et de réglementations internationales du travail. C’est largement insuffisant : sans régulation du climat, il n’y aura pas de planète, certes, mais sans action sociale il n’y aura pas de société ! Les aspects sociaux sont cruciaux, encore plus dans le contexte actuel de crise qui renforce les tensions. La Plateforme sur la finance durable doit rendre un rapport sur une possible taxonomie sociale d’ici fin 2021. Faisons preuve d’ambition à la fois pour que la taxonomie soit exigeante sur ses critères environnementaux et pour que l’Europe ne se transforme pas en simple marché des capitaux verts. C’est en tout cas ce à quoi, chez Sirsa, nous nous emploierons.

Yannick Grandjean